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dimanche 9 août 2015

Mais ce n’est pas logique ! : Deuxième dialogue



- Jean-Claude :

Dites-moi Marc, après ce que vous m’avez expliqué l’autre fois sur la concurrence et la création de valeur comme forces contradictoires, qu’est-ce que vous en déduisez pour le fonctionnement de l’économie ? Je ne vois pas en pratique ce que cela va changer par rapport à un marché concurrentiel.


- Marc :

Et bien l’une des premières conséquences est qu’il faut être interventionniste en économie. Si l’on veut que les véritables entrepreneurs innovent et créent, il faut subventionner et protéger leur activité, le temps qu’elle soit suffisamment armée pour affronter la concurrence. Idem pour les entreprises en replis, mais dont on sent qu’elles pourraient repartir.


- Jean-Claude :

Mais vous plaisantez ! Cela s’appelle du protectionnisme ! Prenez exemple sur les USA voyons, vous voyez bien qu’il faut fonctionner en économie ouverte.


- Marc :

Les USA ? Sans doute l’un des pays les plus interventionnistes au monde parmi ceux qui pratiquent l’économie de marché. Le trésor américain a ainsi englouti 25 Milliards de dollars pour sauver GM et Chrysler de la faillite en 2009. Aucun gouvernement socialiste de la zone euro n’aurait osé faire le dixième de cela, il aurait d’ailleurs été arrêté par la commission européenne, au nom de votre chère « concurrence pure et parfaite ». 


La participation d’entreprises étrangères à des marchés publics américains est très strictement limitée par l’International Trade Commission. Plusieurs lois votées par le congrès permettent de s’opposer à toute transaction qui remettrait en question le « leadership technologique américain dans des domaines qui affectent la sécurité nationale ». Une formulation volontairement très floue, qui permet de protéger toute l’industrie du digital américaine et leurs champions nationaux comme Apple, Google ou Microsoft, car s’étendant bien au-delà des domaines militaires et du secret défense. Enfin, ceux qui ont participé en 2010 avec EADS à l’appel d’offres géant sur les avions ravitailleurs savent que votre « économie ouverte » ne l’est que dans un seul sens.

Le problème avec beaucoup de vos arguments Jean-Claude, c’est que vous fonctionnez en noir et blanc. L’on est ouvert ou fermé. Il n’y a aucun effet de temporalité dans ce que vous décrivez, ce qui est gênant en économie. Du reste, je ne fais pas le reproche aux USA de tout cela : si nous sommes assez bêtes pour continuer de croire à cette fable de la libre concurrence qu’ils racontent mais qu’ils sont les derniers à s’appliquer à eux-mêmes, tant pis pour nous …

Je ne parle pas du protectionnisme primaire qui consiste à fermer les frontières et à empêcher les échanges bien sûr. Mais il y a un protectionnisme dynamique qui s’assimile bien plus à la guerre de mouvement qu’à la ligne Maginot : l’on est très mobile, mais avec tout de même un blindage. Cela peut être par la subvention d’activités, par la protection de la propriété intellectuelle par des moyens légaux ou secrets, par l’interventionnisme géo-politique lors d’un appel d’offres … Les lois de la guerre et du combat sont les mêmes depuis des milliers d’années, bien avant vos rêveries de mondialisation heureuse : il s’agit d’avoir un temps d’avance sur l’adversaire.


- Jean-Claude :

Mais enfin, vous avez entendu parler de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo ! Vous le savez bien, lorsque l’on ouvre les frontières il se produit un jeu gagnant / gagnant, parce que l’on prend le meilleur des taux de productivité de chaque pays : tous les consommateurs en bénéficient.


- Marc :

Ah, les avantages comparatifs de Ricardo ! Si vous saviez combien j’admire cette théorie astucieuse. Seulement voyez-vous, c’est un peu comme pour Schumpeter, tout le monde n’en a retenu qu’une seule leçon, alors qu’il est clair qu’il y a deux enseignements que l’on peut en retirer. Et c’est amusant, des deux c’est le plus important qui n’a pas été vu !


- Jean-Claude :

Deux enseignements ? Je n’ai retenu que celui de l’ouverture des frontières.


- Marc :

Oui, l’on apprend dans tous les enseignements en économie que le protectionnisme naïf ne fonctionne pas : Ricardo montre bien que cela ne sert à rien d’arrêter les échanges de biens par simple interdiction : celui qui s’y risquerait se verrait vite délaissé, ses partenaires allant chercher ailleurs les meilleurs taux de productivité.


- Jean-Claude :

Alors, j’ai bien raison ?


- Marc :

Mais il ne vous est jamais venu à l’idée qu’une autre condition est absolument nécessaire pour que le schéma de Ricardo fonctionne ? Simplement celle-ci : les avantages comparatifs se manifestent si chaque pays parvient à préserver son expertise technologique dans son domaine de prédilection. Le schéma de Ricardo ne marche que si les acteurs sont différenciés, s’ils peuvent faire valoir chacun des spécialisations différentes. Et pour que cela perdure dans le temps, ils doivent préserver cet avantage technologique, en d’autres termes prendre toutes les mesures interventionnistes qui leur permettront de le conserver.

Il ne faut surtout pas pratiquer un protectionnisme des échanges marchands, nous sommes d’accord là-dessus. Mais un protectionnisme des qualifications et des savoir-faire stratégiques, c’est non seulement possible mais indispensable. Vous voyez, c’est un peu comme pour la concurrence : cela ne veut rien dire en soi. Les choses ne sont pas univoques, il faut creuser un peu …


- Jean-Claude :

Mais enfin, vous ne pouvez pas nier que l’ouverture du commerce international a été un progrès, que cela a apporté un surcroît de richesses, notamment pour des pays qui avaient besoin de se développer.


- Marc :

L’ouverture oui, mais à la condition que chacun puisse continuer à se différencier, pour que chaque pays puisse compter sur ses points forts. Sans quoi, la mondialisation consistera pour certains à se faire tailler en pièces, et pour tous à tirer la richesse vers le bas, … sauf pour ceux qui ne font que profession de récupérer le travail et le talent des autres, c’est-à-dire le monde financier tel qu’il est devenu, car nous ne sommes plus au temps des Médicis, où la finance avait ses lettres de noblesse.

Vous avez aussi souvent la mauvaise manie d’associer ouverture de l’économie au démantèlement de l’état, comme si l’intervention de la puissance publique était contraire à l’ouverture sur les marchés, alors qu’elle en est l’une des conditions. Là encore, les Etats-Unis, le Japon ou la Chine ne cessent de nous en donner l’exemple.


- Jean-Claude :

Il y a une chose que vous oubliez, c’est que la notion d’entreprise nationale n’a plus de sens. Les implantations croisées d’entreprises à l’étranger font par exemple que Toyota fait travailler autant de personnes aux Etats-Unis que GM. C’est ce que montre très bien Robert Reich dans « The work of nations » : il n’y a plus que des entreprises trans-nationales, dont l’intérêt propre n’est plus nécessairement celui de leur pays d’origine, si elles décident de s’implanter majoritairement ailleurs. 

L’automobile britannique a ainsi connu une renaissance extraordinaire depuis trois ans, grâce à des constructeurs automobiles étrangers qui ont investi sur son sol. Et le constructeur historique Jaguar, bien que racheté par Tata motors, est à la pointe de nombreuses innovations. Peu importe que les entreprises installées chez vous viennent nativement de votre pays ou non : les entreprises n’ont plus de nationalité, c’est bien ce que montre Reich.


- Marc :

J’ai lu et beaucoup apprécié l’ouvrage de Reich, mais là encore vous ne retenez qu’une partie des points qu’il soulève. Il constate ce que vous dites et le résume d’ailleurs d’un trait brillant : dans les années 1950, l’on demandait au PDG de General Motors ce qu’il ferait s’il devait prendre une décision bonne pour GM mais mauvaise pour les Etats-Unis. A cette époque, il répondit fièrement que la question ne se posait même pas, car tout ce qui est bon pour GM était nécessairement bon pour les Etats-Unis.

Reich ouvre son livre, écrit au début des années 1990, en signalant que le paradigme bien commode du PDG de GM n’était plus vrai : de par les implantations croisées, ce qui est bon pour GM n’est plus nécessairement bon pour les Etats-Unis. Puis Reich montre que la notion d’entreprise nationale s’efface de plus en plus, et soupèse les avantages et les inconvénients de cette mondialisation.

Il termine enfin son livre par une interrogation : « Who is us ? ». « Nous », qu’est-ce que c’est ? Ou plus précisément, comment peut-on définir ce qu’est une communauté et une identité nationale, et cela est-il encore possible ? Au passage, vous noterez que le simple fait de poser une telle question en France vous vaudrait – au mieux – le qualificatif d’ultra-réactionnaire, de « souverainiste » - mais pour moi ce n’est pas une insulte, bien au contraire - voire d’extrémiste ou de fasciste. Une telle rhétorique est également employée par les tenants de l’union européenne, qui insultent tous ceux qui osent dévier d’un millimètre de leur pensée, avant que de se présenter eux-mêmes comme des modèles de tolérance et d’ouverture.

Robert Reich était quant à lui Secrétaire d’état au travail sous la présidence de Bill Clinton, et était considéré comme appartenant à l’aile gauche du parti démocrate. Aux Etats-Unis, la question qu’il pose est non seulement naturelle, mais il est considéré comme du devoir de chaque américain de se la poser, quelle que soit sa couleur politique.


- Jean-Claude :

Peut-être mais malgré ses interrogations et ses inquiétudes, Reich était bien obligé de se plier aux faits : la notion d’entreprise nationale n’existe plus. Toutes les entreprises sont mondialisées et se moquent de l’intérêt de telle ou telle nation, y compris celle de leur origine.


- Marc :

Mais il y a eu un « après Reich » Jean-Claude, où tout le monde s’est aperçu d’un autre phénomène. Lorsque vous me dites que « l’automobile anglaise » a connu une renaissance depuis trois ans, ce qui s’est passé en fait depuis trois ans est que le marché des ventes de voiture en Angleterre se porte bien, ce qui n’a rien à voir. Si Toyota et Volkswagen investissaient fortement en France, que les français achetaient davantage de leurs voitures, et qu’ils créent des emplois français pour cette raison, me diriez-vous pour autant que « l’automobile française » se porte bien ? Non, vous savez que pour dire cela, il faudrait que Renault et Peugeot connaissent une forte croissance de leurs ventes et de leurs parts de marché, et ceci partout dans le monde. Les anglais n’ont quant à eux plus aucun constructeur automobile généraliste, toutes leurs anciennes marques nationales ayant été rachetées.


- Jean-Claude :

Mais cela ne m’est d’aucune importance ! Selon le schéma exposé par Reich, je continue à dire qu’il y a une renaissance de l’automobile anglaise dans les trois dernières années, que cette renaissance qui a lieu en Angleterre soit le fait d’entreprises étrangères n’a plus aucune importance, du moment que ces entreprises investissent et créent de l’emploi en Angleterre, et développent l’activité commerciale sur le marché de l’automobile.


- Marc :

Sauf que vous oubliez le deuxième enseignement de Ricardo. Le raisonnement de Reich fonctionne sur les seuls échanges de biens, sur l’investissement et sur l’emploi. Là où le bât blesse est sur les technologies, les savoir-faire, les procédés de construction, en un mot toutes les connaissances stratégiques d’un métier donné.

Et lorsque des arbitrages sont à faire concernant ces savoir-faire, les entreprises viennent rappeler au bon souvenir de chacun qu’elles ont un siège, et que sur ce type de décision, leur appartenance nationale revient au galop. Oh, ce n’est pas par patriotisme ou par un quelconque sentiment humain qu’elles le font. Il s’agit simplement d’une question de pouvoir : vous pouvez développer autant d’échanges commerciaux et d’emplois que vous voudrez dans un pays, si ce pays n’a pas la maîtrise de la connaissance et du savoir-faire des produits qu’il fabrique, cet essor d’activité n’est qu’un trompe-l’œil. Le pays sera toujours sous une forme de tutelle de la part du siège de l’entreprise en question. Et cette tutelle lui sera douloureusement rappelée lors de décisions de délocalisation où il n’aura pas son mot à dire, pour des raisons stratégiques que seul le siège de l’entreprise décidera.

Qui détient le pouvoir et le secret sur la connaissance des produits détient aussi le pouvoir de les implanter où il veut. Il n’est donc pas équivalent de dire que le marché commercial d’une activité se porte bien dans un pays, et que l’industrie de ce pays pour cette activité se porte bien. Il n’y a eu que de bons chiffres de vente de voitures sur le marché anglais, nullement une « renaissance de l’automobile anglaise » qui n’existe plus : les anglais dépendent toujours du bon vouloir des allemands, des japonais voire des indiens pour leurs emplois, leurs investissements, ou encore le transfert de compétences au compte-goutte que leur maison mère aura daigné leur laisser.

La construction d’usines sur le sol national ne change rien, tant que le pouvoir de localisation est ailleurs. Vos revues préférées entretiennent toujours volontairement la confusion entre ces deux types d’expansion, soit parce qu’elles partagent vos présupposés idéologiques selon lequel tout échange trans-national est bon, soit parce qu’elles connaissent la réalité mais se gardent bien de la dire.


- Jean-Claude :

Mais Jaguar ? Certes, ils appartiennent maintenant à Tata. Cependant dans ce cas, les innovations qu’ils ont mises en œuvre proviennent bien des experts anglais sur place, non des experts indiens de Tata. C’est cette fois l’entreprise rachetée qui mène le jeu sur le développement de compétences !


- Marc :

Tout d’abord, vous conviendrez que si les Jaguar sont belles, elles ne représentent qu’une part de marché microscopique sur le marché mondial de l’automobile. Chez les constructeurs généralistes, qui font l’essentiel du volume et du chiffre, le développement des savoir-faire reste entre les mains d’origine. Ensuite, même si l’on voit des bureaux d’étude ailleurs que dans le pays mère, je dirais que la tutelle est encore pire. Car dans ce cas, le pouvoir demeurant dans l’entreprise mère, il ne s’agit même plus de contrôler le savoir qu’elle veut bien donner, mais à l’inverse de piller comme elle le souhaite le savoir et les innovations des entreprises qu’elles ont rachetées. Tata peut décider quand elle veut de ce qu’elle fera des géniales inventions des bureaux d’étude anglais de Jaguar, y compris d’ailleurs de les transférer à d’autres équipes que celles des ingénieurs britanniques.

Ce genre de décision ne se prend pas du jour au lendemain, car les transferts de compétence ont toujours une certaine inertie, mais Reich oublie que dans le cas d’une complète mondialisation, les entreprises rachetées ont toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête, tandis qu’en préservant des expertises nationales et en jouant le jeu de la mondialisation seulement sur les échanges marchands, l’on demeure fort. Et ceci résulte de la compréhension réelle de Ricardo, de tout ce qu’il y a à retenir des « avantages comparatifs ». Les USA sont très forts dans ce domaine, en tenant votre discours pour que leurs adversaires s’ouvrent sans méfiance, mais en appliquant en pratique le mien !


- Jean-Claude :

Ce que je ne comprends pas malgré vos raisonnements, c’est que vous semblez ignorer cette grande force du libéralisme : le laisser-faire sur l’ensemble de l’activité économique des hommes permet d’avoir la vision vraie, pure, non polluée de l’économie. C’est en quelque sorte son état de nature, qui se manifeste lorsque rien ne vient l’entraver ou chercher à la contrôler. Toute autre vision ne peut être qu’un biais, puisqu’en laissant les choses évoluer spontanément, l’on obtient leur nature même, débarrassée de toute scorie. Quoique vous disiez, le sens de l’histoire est le nôtre, puisque c’est de toutes façons nous qui avons la vision vraie de l’économie, son état naturel qui émerge lorsqu’on ne la contraint en rien.


- Marc :

Vous savez, cette expérience fascinante de laisser aller complètement l’économie à elle-même, de retirer toute règle et toute contrainte pour qu’elle s’exprime pleinement, a déjà été réalisée et intégralement.


- Jean-Claude :

De quoi parlez-vous ?


- Marc :

Des Etats-Unis à la fin du XIXème siècle. Il y a eu là une tentative de laisser le monde économique évoluer sans intervenir aucunement dessus, à l’état de nature comme vous le dites. Et savez-vous ce qui advint ? L’apparition de « trusts », d’entreprises gigantesques qui ramassaient toute l’activité d’une industrie à elles seules, tuant toute apparition de concurrents dès qu’elle se présentait, avec les moyens que lui donnait sa taille. L’état de nature selon la libre concurrence totale de l’économie aboutit à une hyper-concentration de l’activité dans quelques mains, puis à terme à l’élimination du jeu de la concurrence, même dans ce qu’elle a d’utile, voir notre précédente discussion. Pour cette raison, les Etats-Unis ont introduit les « lois anti-trust », le « Sherman act » et le « Clayton act », destinées à empêcher la formation de ces « noyaux durs ».


- Jean-Claude :

Mais c’est bien ce à quoi je m’emploie ! A veiller à ce que la concurrence demeure présente et équitable en permanence !


- Marc :

… et pour faire cela, vous devez intervenir dans l’économie. Il n’y a pas « d’état de nature » de l’économie, ou bien s’il y en a un, c’est cette loi des trusts, puisque cela semble être l’attracteur récurrent et atavique de l’économie. L’attracteur naturel du capitalisme c’est la mafia, non la mondialisation heureuse, il ne faut jamais l’oublier. La mafia n’est pas une fatalité, mais il faut beaucoup d’efforts pour s’arracher à sa force d’attraction en économie de marché. 

Le maintien d’un équilibre concurrentiel est donc déjà une construction artificielle. Et selon notre discussion précédente, elle doit être équilibrée entre mise en concurrence et création de valeur, qui est une contrainte supplémentaire pour que l’économie soit un jeu gagnant. Du reste, toute civilisation véritable est une construction artificielle : l’homme ne s’élève que parce qu’il est un animal culturel. L’état de nature n’est pas « la vérité », mais la barbarie.

C’est un peu votre problème sur tous nos sujets Jean-Claude : vous ne prenez pas en compte le fait que nous vivons dans un monde où il existe une certaine inertie, des courants contraires. Lorsque vous voulez quelque chose, il ne suffit pas de l’appliquer de façon univoque et directe : vous obtenez dans ce cas exactement l’inverse de ce que vous vouliez au départ. La mise en libre concurrence totale aboutit à tuer toute concurrence équitable. En matière sociale, la tolérance généralisée aboutit à la loi des caïds et des clans, c’est-à-dire à l’oppression maximale. Je suis souvent abasourdi par le simplisme de vous et de vos pairs, d’autant plus que vous me rappelez souvent que vous vous considérez comme le sommet de la civilisation et de l’intelligence.

Les pères fondateurs de ce que vous appelez « libéralisme », un mot qui a bien changé de sens à travers les siècles, ne voyaient pas du tout les choses à votre façon. Pour eux, un « état de nature », si tant est qu’il existe, nous sera à jamais inaccessible : les moyens limités de l’homme le restreignent toujours à une vue partielle des choses, à une interprétation de ce qu’il voit. Ils ne prétendent pas lire dans le grand livre ouvert de la nature comme vous le faites, et qui vous fait croire que quiconque ne partage pas votre point de vue ne peut être qu’idiot ou malhonnête. Vous qui pensez représenter la société ouverte et la tolérance, ne voyez-vous pas qu’il s’agit de la forme la plus aboutie du sectarisme ?


Il n’y a qu’une seule chose qui doit être totalement libre, c’est le débat d’idées humain, qui fait s’affronter une multitude de visions du monde différentes. Dès lors que vous considérez qu’il n’y en a qu’une seule qui représente la position « objective » et que les autres ne sont que des perturbations, vous raisonnez en taliban, non en rationaliste critique.

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