Je suis toute l’activité des hommes, mais je ne suis qu’un presque rien,
une simple passerelle, un passage, l’essence même de l’échange.
Pour cette raison rien ne m’arrête, non par la force, mais par une douce insinuation, invisible, patiente, inexorable. Je suis comme l’eau, car quiconque veut me barrer la route ressemble à ce roi qui envoyait son armée contre la mer, avec l’ordre de stopper la marée montante. Les civilisations asiatiques ont compris mieux que toute autre ce pouvoir de l’élément fluide, plus fort que la plus dure des pierres. L’infiltration, toujours victorieuse de la confrontation.
Quiconque s’énerve contre moi et pense s’affranchir de mon courant le paie
au double. Je suis ce principe de la nature qui veut que l’on n’obtient jamais
rien de profond par la force. Pour que je donne, il faut donner, passer par
tous mes points, il n’est pas plus possible d’y échapper qu’à une vérité de
l’arithmétique.