Par
ce titre, il ne s’agit pas de dénier tout talent à l’homme qui vient de se
faire élire président de la république. Mais de voir en lui ce que le célèbre
roman éponyme de Robert Musil dévoile avec tant de lucidité.
Tout
comme Ulrich - le héros du roman - Emmanuel Macron présente tous les dehors
apparents d’atouts personnels. L’on prête ainsi à Ulrich intelligence, volonté
et parfois courage. Musil ne cherche pas à faire le portrait d’un médiocre. Son
titre révèle un malaise beaucoup plus profond : « l’homme sans
qualités » est appelé ainsi non parce qu’il en est dépourvu, mais parce
qu’il faudrait parler d’attributs abstraits le concernant, au sens mathématique
du terme, plutôt que de qualités personnelles.
Dans
le roman de Musil, Ulrich possède bien certains talents, mais ils se diluent
dans un relativisme généralisé, un regard purement formel sur le monde, faisant
de toute conviction ou tout engagement un simple protocole d’usage. Les
qualités ne sont pas absentes, mais elles ne sont jamais habitées. Comme s’il
ne subsistait plus que la liberté de choix à l’état pur, sans le pilotage de la
conscience.
Musil
parle dans son roman de l’Autriche-Hongrie finissante, sous le sobriquet de
« Cacanie », un état qui « ne subsistait plus que par la force
de l’habitude ». Les héros de son roman essaient de se donner des causes
mais sans y croire. Musil diffuse une ironie perçante et glacée tout au long de
son roman, sur le mouvement « d’Action parallèle » que rejoint
Ulrich. Ce groupe politique auto-constitué est une dernière tentative de
célébrer leur souverain François-Jospeh et leur pays, mais sans que personne ne
sache plus ce qu’est leur nation ni ce qui la fonde.