Musashi

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lundi 24 août 2015

Coeur de métier


1. David Graeber : une brillante saillie

L’économiste iconoclaste David Graeber a récemment fait deux observations provocatrices sur notre société post-moderne. Il ne s’agit pas de provocation gratuite, car notre monde est arrivé à un point tel d’aberration que non seulement ces deux remarques nous questionnent mais touchent très juste. Lorsque le monde devient étrange et aberrant, les explications qui semblent très hétérodoxes sont parfois celles qui décrivent fidèlement la situation, et les explications dites « normales » ne sont que la communication imposée du délire collectif.

L’article initial qui a mis le feu aux poudres est publié dans « strike magazine » : http://strikemag.org/bullshit-jobs/

David Graeber y fait deux observations :
  • Plus le métier que l’on exerce est utile à la société, moins il est rémunéré et reconnu.
  • De nouveaux métiers inutiles sont apparus : les « bullshit jobs ». Désolé pour le parler franc mais roboratif de Graeber, qui a le mérite de bien se faire comprendre, la meilleure traduction est : « jobs à la con ».
Si quelques contre-exemples viennent nuancer cette brillante saillie, il faut lui reconnaître qu’elle est majoritairement vraie. La définition d’un métier utile par Graeber est simple : il suffit d’imaginer notre vie de tous les jours s’ils étaient supprimés du jour au lendemain. Il n’est pas difficile de prévoir le résultat si les éboueurs, les ouvriers, les boulangers ou les infirmières avaient disparu d’ici demain. D’autres métiers n’affecteraient pas notre survie immédiate s’ils disparaissaient, mais cela deviendrait rapidement très gênant : instituteur ou professeur, ingénieur, employé de banque de dépôt, commerçant en meubles ou en tissus, …

mercredi 19 août 2015

Le prix d'un dialogue sincère



A propos de cinq croyances qui empêchent le dialogue :


1. Le « discours objectif » : se croire au-dessus de la mêlée

Présenter son point de vue comme celui qui est « objectif » relève de la falsification. Cela sous-entend qu’il existerait une seule explication estimable (la mienne, par le plus heureux des hasards …), les autres ne pouvant être qu’entachées de parti-pris et d’idéologie.

Personne ne peut sortir de sa propre appréhension du monde. Il ne s’agit pas de céder au relativisme, car nos visions peuvent être confrontées à l’expérience, afin de découvrir comment elles y résistent. Mais elles n’en restent pas moins subjectives, même trempées à cette épreuve. L’on n’atteint pas l’objectivité, l’on classe les subjectivités par degrés de vraisemblance.

Personne n’est « au-dessus de la mêlée » et celui qui pense l’être ne fait que confirmer sa mégalomanie, non sa prise de recul.

jeudi 13 août 2015

Mais ce n'est pas logique ! : Troisième et dernier dialogue


- Jean-Claude :

Dites donc Marc, vous êtes souverainiste si je comprends bien ? Là je ne vais pas vous parler d’économie mais de société. Cela ne vous gêne pas cette fermeture aux autres, ce patriotisme rance, ce repli sur soi, cet attachement à des vieilles lunes condamnées par la modernité, ce manque patent de tolérance ?


- Marc (surpris) :

Je ne vois pas de quoi vous parlez.


- Jean-Claude :

Mais voyons, vous savez. Les souverainistes sont des gens attachés aux traditions françaises, au terroir, au folklore français. Ce sont toujours parmi ces gens-là que l’on trouve les discours d’exclusion, de repli sur soi, voire franchement racistes. Que voulez-vous il y a les gens qui rentrent dans la mondialisation, le cosmopolitisme, la rencontre avec l’autre et ceux qui refusent tout ceci, qui se replient sur un patriotisme suranné, qui ne sont plus que dans l’attachement à leur pays et qui refusent la rencontre avec les autres cultures et les autres peuples.


- Marc (froidement) :

Ah, je comprends mieux. Nous sommes à nouveau dans vos visions binaires du monde, où non seulement les choses sont tranchées, mais où l’on peut aisément identifier les bons des méchants, que vous nous désignez d’ailleurs, ce qui évite de réfléchir et permet de vous attribuer le beau rôle.

dimanche 9 août 2015

Mais ce n’est pas logique ! : Deuxième dialogue



- Jean-Claude :

Dites-moi Marc, après ce que vous m’avez expliqué l’autre fois sur la concurrence et la création de valeur comme forces contradictoires, qu’est-ce que vous en déduisez pour le fonctionnement de l’économie ? Je ne vois pas en pratique ce que cela va changer par rapport à un marché concurrentiel.


- Marc :

Et bien l’une des premières conséquences est qu’il faut être interventionniste en économie. Si l’on veut que les véritables entrepreneurs innovent et créent, il faut subventionner et protéger leur activité, le temps qu’elle soit suffisamment armée pour affronter la concurrence. Idem pour les entreprises en replis, mais dont on sent qu’elles pourraient repartir.


- Jean-Claude :

Mais vous plaisantez ! Cela s’appelle du protectionnisme ! Prenez exemple sur les USA voyons, vous voyez bien qu’il faut fonctionner en économie ouverte.


- Marc :

Les USA ? Sans doute l’un des pays les plus interventionnistes au monde parmi ceux qui pratiquent l’économie de marché. Le trésor américain a ainsi englouti 25 Milliards de dollars pour sauver GM et Chrysler de la faillite en 2009. Aucun gouvernement socialiste de la zone euro n’aurait osé faire le dixième de cela, il aurait d’ailleurs été arrêté par la commission européenne, au nom de votre chère « concurrence pure et parfaite ». 

jeudi 6 août 2015

Mais ce n'est pas logique ! : Premier dialogue



-          Jean-Claude :

Mais enfin monsieur, ce n’est pas logique ! Vous êtes contre l’union européenne, vous n’acceptez donc pas l’économie de marché ! Vous me dites que si, mais vous ne devez pas savoir ce qu’est une économie ouverte, de libre échange. C’est très important, vous savez. La libre circulation des marchandises et du commerce assure la prospérité de tous.


-          Marc :

Désolé mais je suis un homme d’entreprise. Je connais très bien le fonctionnement de l’économie de marché et j’en apprécie les bons côtés, mais je ne mettrai pas en avant les mêmes que vous. L’énergie et l’initiative à monter des projets et à les réaliser, c’est cela que je retiendrai. Soit dit sans vous offenser, c’est probablement parce que je suis plus proche du terrain que vous : vous faites voter des règles qui orientent le marché dans le sens d’une dérégulation toujours accrue, mais ce n’est pas vous qui le faites.


lundi 3 août 2015

La grande variante



Les années récentes en France ne laissent pas seulement un goût amer par la situation économique très délicate ou le climat politique délétère que nous traversons. Cause ou conséquence, le débat d’idées, d’économie ou de société, est devenu quasi impossible. La critique argumentée a cédé la place à une étrange pratique dans laquelle l’on se permet de juger l’être profond de son interlocuteur bien avant que d’écouter ses arguments. Il ne s’agit plus que de discréditer et portraiturer comme ignoble toute position qui n’est pas la sienne.

L’économie notamment, qui devrait être le lieu de la discussion raisonnée, voit son débat assorti de jugements politiques terrifiants au départ de presque toutes les discussions. Par exemple qui ose critiquer la construction européenne actuelle ainsi que ses institutions ne peut être qu’un dangereux extrémiste, arriéré, incapable d’ouverture aux autres.

Les arguments ne comptent plus, ni la compréhension logique du discours : seul compte une sorte de « paysage » fait d’étiquettes politiques et d’associations émotionnelles d’idées. Si Marine Le Pen déclare être très critique vis-à-vis de l’euro, alors toute personne qui critique l’euro sera nécessairement un sympathisant du front national. Les sophismes fleurissent : il ne vient pas à l’idée qu’un Paul Krugman est à dix-mille lieux du front national, mais que cela ne l’empêche pas de critiquer lui aussi l’euro.

Il devient nécessaire de rappeler certaines évidences des règles de la logique et du débat, à savoir que deux personnes peuvent avoir une même position sur un sujet, mais pour des raisons et avec des intentions totalement différentes.