Calais est un enfer miniature, un microcosme reflétant et cristallisant
toutes les faillites de nos sociétés et de notre époque.
Calais nous renvoie tout à la fois à notre responsabilité dans des conflits
que nous avons créés en grande partie sans en assumer les conséquences, à notre
inconséquence et notre angélisme sur la réalité de ce qu’est un flux migratoire
massif d’hommes dont la culture voue souvent la nôtre à la destruction, à notre
manque de discernement et de connaissance du terrain pour sanctionner fermement
ce qui doit l’être et encourager ce qui le mérite.
Calais est devenu le miroir de toutes les turpitudes de nos sociétés
néo-libérales, de leurs lâchetés, leurs hypocrisies, leurs compromissions,
leurs manipulations. Le bourbier dans lequel vivent les hommes et femmes qui y
sont entassés n’est que la concrétisation de la fange mentale des
pseudos-élites européennes et américaines, n’ayant ni considération pour les
hommes lointains qu’ils ont précipités dans des guerres décidées par eux, ni
considération pour les hommes de leurs propres pays qui en paient maintenant
les conséquences, par une population devenue inévitablement et logiquement un
danger quotidien.
Plus que jamais, Calais est la preuve vivante que la seule valeur saillante
du néo-libéralisme est l’irresponsabilité inconséquente, le gouvernement par
des « élites » frivoles, incompétentes, demeurant en permanence à la
surface des choses, ne s’illustrant plus que dans l’art de la défausse et de la
fuite, clé de son accession au pouvoir.
Que dire alors, lorsque face à cela un homme montre non seulement toutes
les qualités d’un dirigeant - celles dont nos « élites » ne possèdent
plus une once – mais qu’il est issu de surcroît du centre de cet enfer et
qu’il a pourtant trouvé la force de faire ce que ceux vivant dans le confort
n’ont jamais su entreprendre ?
Il a compris que sa seule chance, ainsi que celle de ses compagnons,
passait par l’instruction et le savoir. Il y voit non seulement la clé de leur
intégration, mais également la meilleure façon pour les migrants de sauvegarder
leur dignité. Il a refusé de subir passivement la situation à laquelle il était
contraint, et avec une énergie et un sens de l’initiative hors du commun, il a
remué ciel et terre pour améliorer un peu le quotidien de tous et entrouvrir un
nouvel espoir.
Ses compagnons ne s’y sont pas trompés. Adultes comme enfants prennent le
chemin de cette école bâtie de toutes pièces. Elle est aussi lieu de vie et de
dialogue : les liens sociaux sont à nouveau tissés, et les activités des
enfants structurées et sécurisées.
La capacité de Zimako Jones à entreprendre de telles initiatives est
porteuse de grands enseignements sur notre propre monde.
Le premier est l’immense valeur d’exemple. Quand, dans des situations bien moins
dramatiques, quelques jeunes frustrés s’adonnent sans mesure à la haine, à la
perpétuelle excuse de leur nullité par des accusations fantasmées, un homme ne
s’en prend à personne, se donne les moyens du mieux qu’il le peut pour s’en
sortir, et par la même occasion élever les autres. Quand des politiques soit
disant décisionnaires sont incapables d’engager la plus petite action concrète,
et ne pensent plus leurs prochaines décisions qu’en termes de plan de
communication, un homme simple et sans aucun pouvoir leur montre quelles
initiatives élémentaires peuvent être engagées.
Le second est de démolir un certain nombre de préjugés. La situation des
migrants de Calais ne peut être pensée de façon binaire. Ici, l’accusation
d’assistanat est battue en brèche : nombre de personnes qui ne sont pas
des migrants, et dans des situations bien meilleures que celle de Zimako, ne
démontrent pas le quart de sa capacité à se prendre en main.
Un autre dogme éclate, celui du paradigme néo-libéral qui oppose
indépendance et solidarité : la capacité à prendre en main sa propre vie
ne se fait pas au détriment des autres, mais ne peut au contraire advenir qu’en
faisant naître un esprit collectif. Les mainates cravatés du néolibéralisme
devraient être envoyés quelques semaines dans des stages de sport d’équipe,
leur faisant toucher du doigt certaines réalités. La confusion entre
indépendance et individualisme est l’un des maux du siècle, la différence qui
les sépare est pourtant celle entre le joueur de rugby et la petite frappe.
Enfin, l’opposition entre société multiculturelle et respect de l’identité
d’un pays cesse d’être caricaturée. Zimako a pris soin de déclarer d’emblée son
école laïque, ouverte à tous. Lui-même maîtrise très bien la langue française,
et soutient que le premier effort que doit faire un migrant arrivant dans un
pays est d’en apprendre la langue, puis de contribuer à son développement, dans
le respect de ses valeurs. Nul besoin de renier l’identité et les valeurs de
notre pays pour intégrer ceux qui sont de bonne volonté pour partager notre
histoire.
Ceux qui ne perçoivent pas que Zimako Jones est un géant ne savent pas
voir. Son initiative gêne déjà : elle ne fait que trop souligner
l’incapacité à agir de nos politiques, leur manque d’imagination et de courage.
Il est question dans les jours qui viennent de fermer l’école des dunes, parce
que la partie sud de Calais doit être évacuée.
Au-delà du bien-fondé de l’évacuation, nos dirigeants ont-ils à ce point
perdu tout caractère et toute valeur pour ne pas voir que – ne serait ce que
symboliquement – l’école des dunes devrait non seulement perdurer mais être
désignée en exemple de ce que l’homme peut produire de meilleur ?
De faux héros ont été mis sur le devant de la scène, leur naturalisation
annoncée de façon bruyante, pour sauvegarder une vision angéliste des migrants,
celle qui a provoqué le contraire de ses intentions affichées. Zimako Jones
mériterait cent fois leur naturalisation, et un politique clairvoyant
comprendrait le très grand parti à tirer de l’ériger en exemple. Il y a des
légions d’honneur qui ont été attribuées pour des accomplissements bien moins
honorables que celui-ci.
Zimako Jones est l’un de ces personnages se trouvant – par ses qualités
exceptionnelles – à un point nodal de l’histoire, un endroit où la fatalité, la
résignation et la tyrannie peuvent être conjurées. Il nous montre tout ce
qu’une société digne de ce nom devrait valoriser, donne l’exemple que cela est
encore possible.
Lorsque les politiques sont défaillants, les citoyens s’organisent en
communautés ou villages indépendants. Ces initiatives locales ont bien plus de
force que les mesures abstraites de placement que les politiques s’apprêtent à
prendre : si la consigne d’évacuation est donnée, un symbole de courage et
d’indépendance d’esprit disparaîtra, et avec lui une aide que les enfants
prisonniers à Calais ne percevront certainement plus.
Notre époque en laisse rarement le loisir, aussi devons-nous saluer et
faire massivement connaître qu’un homme a eu le courage de travailler, dans les
pires conditions, pour l’honneur de l’esprit humain.
Si vous le souhaitez, signez la pétition demandant la nationalité française pour Zimako Jones : la valeur de l'exemple peut beaucoup :
Pétition - Nationalité Française pour Zimako Jones
Si vous le souhaitez, signez la pétition demandant la nationalité française pour Zimako Jones : la valeur de l'exemple peut beaucoup :
Pétition - Nationalité Française pour Zimako Jones
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire