Tout commence par une simple photo et un article de Samuel Forey, dans le
Figaro du 9 septembre.
La photo d’un enfant mort sur une plage a beaucoup ému. Ici nous voyons une
grand-mère veillant sur un bébé, et nous savons qu’elle est en deuil. La photo
est moins spectaculaire, moins directement choquante. Mais précisément, la
scène est d’autant plus atroce qu’elle est en apparence paisible.
L’existence de l’enfant repose toute entière sur les épaules d’une vieille
femme, qui doit vaincre une tristesse infinie à l’âge où l’on devrait partir
sereinement, avec le sentiment d’une transmission accomplie.
La vieille femme trouve encore la force de rassurer l’enfant, de lui donner
la confiance dont il a besoin. Mais au même moment, elle sait que la maman de
l’enfant, sa fille, est violée et battue sans répit. Telle et la réalité de
Daesh, et nous aussi nous le savons, en toute conscience.
La vague des réfugiés qui arrivent aujourd’hui en Europe n’est pas
seulement le prix à payer de notre irresponsabilité. Elle est la matérialisation
de notre lâcheté, l’incarnation de notre incapacité à nous battre, dans la
situation où il est impératif de le faire. Nous discutons des réfugiés, mais il
n’est toujours pas question de bouger pour ceux qui sont restés là-bas, dans
une situation bien pire.
Comment peut-on ne pas voir que nous produisons un Munich bien plus lâche
que le précédent, plus hypocrite encore ? Que la seule action possible est
la guerre jusqu’à l’anéantissement total de Daesh. Qu’il faut leur faire sentir
que ce sont eux les lâches, les décadents, que face à des guerriers d’honneur,
ils n’auront aucune chance.
Une action militaire pose d’énormes problèmes nous dit-on. L’ennemi ne nous
attend pas en ordre de bataille, mais disséminé partout dans la population, ne
se regroupant que pour des actions ponctuelles, des raids sanglants et lâches
comme celui qui a fondu sur le village de la vieille femme.
Pourtant, une conjonction exceptionnelle sur le plan géopolitique existe, l’un
de ces rendez-vous de l’histoire qu’il ne faut pas manquer. L’Egypte du
maréchal Al-Sissi tout d’abord, nous donne de grands signes d’espoir.
Renversant la fatalité des pays du printemps arabe tombés sous la coupe
d’islamistes, Al-Sissi a chassé en 2013 Mohamed Morsi et les frères musulmans
des leviers du pouvoir égyptien, empêchant la formation de l’un de ces nouveaux
foyers de duplicité à l’égard de Daesh.
Le maréchal Al-Sissi a initié un rapprochement exceptionnel avec Israël, en
rétablissant la présence d’un ambassadeur à Tel-Aviv en juin 2015, comprenant
la menace redoutable que représente le Hamas. Portant une véritable vision pour
son pays, il a inauguré un élargissement du canal de Suez en Août de cette
année. Nous avons certainement affaire à un homme de la trempe de Sadate.
Aux bonnes âmes indignées qui lui reprochent son implacable répression des
agissements des frères musulmans, nous les invitons à prendre les commandes
d’un pays menacé par une instabilité explosive et à vérifier ce qu’il advient
s’il n’est pas conduit par un poigne de fer. Les exemples abondent autour de
l’Egypte, de ce qui se produit invariablement si une seule brèche est laissée
aux intégristes. Abdel Fattah Al-Sissi mérite notre soutien inconditionnel et
l’affirmation de notre grande estime, celle due à un véritable homme d’état et
à un grand combattant.
Parallèlement, un autre rapprochement entre Israël et un pays Arabe ne
cesse de donner des signes de progrès. Et ce réchauffement était on ne peut
plus improbable, puisqu’il s’agit de l’Arabie Saoudite. Ces meilleures
relations sont sans doute guidées par l’intérêt plus que par de véritables convictions.
Israël et l’Arabie Saoudite se trouvent tactiquement alliés pour se protéger
d’un Iran grandissant par le redémarrage de son programme nucléaire. Ces deux
pays proches des Etats-Unis prennent de grandes distances avec leur encombrant
protecteur : l’engagement personnel de Barack Obama en faveur du programme
nucléaire Iranien a été vécu comme une véritable trahison par Riyad et Tel-Aviv.
Enfin, non loin de l’Arabie Saoudite, le rapprochement entre les Emirats
Arabes Unis et Israël est également en constante progression. Les ambassadeurs
d’Israël et des Emirats aux Etats-Unis, Ron Dermer et Yusuf al Otaiba, sont
proches de la pure et simple amitié, à la grande inquiétude de l’administration
Obama qui y lit une ferme condamnation de son soutien à Téhéran.
Ce rapprochement entre trois puissances arabes majeures et Israël ne se
reproduira pas de sitôt. Ironiquement, ce sont l’irresponsabilité et la dose
certaine de cynisme des Etats-Unis dans cette région du monde qui ont provoqué
cet effet bénéfique. Le soutien de l’administration Obama au programme
nucléaire iranien, dont le monde s’apercevra bientôt qu’il s’agit d’une faute
majeure, a réussi l’inimaginable en créant un axe Riyad – Tel Aviv.
Les USA se sont également montrés d’un total cynisme en Egypte, en
soutenant le régime de Mohamed Morsi et de ses frères musulmans en 2012, qui
semblait très bien leur convenir. Erreur que le président Al-Sissi ne leur a
pas pardonnée, avec raison. Quant aux relations entre les USA et Israël – quel démenti
aux délires complotistes – elles sont actuellement à couteaux tirés. Les
Etats-Unis perdent pied au Moyen et Proche-Orient à force d’avoir considéré
qu’il s’agissait de leur jeu de construction favori, qu’ils pouvaient monter et
démonter à loisir.
Vladimir Poutine, dont chacun pense ce qu’il souhaite mais dont
l’intelligence ne fait pas question, a très rapidement compris que nous
assistions à bien plus qu’à des alliances de circonstance, mais à une véritable
redistribution des cartes géopolitiques. Ses relations sont maintenant au beau
fixe avec le président Al-Sissi, offrant à la Russie un ancrage qu’elle avait
perdu depuis 1972 : les manœuvres « pont de l’amitié 2015 »
ont réuni les marines russes et égyptiennes au large d’Alexandrie en juin dernier.
Le signal adressé aux Etats-Unis à la suite de la « trahison Morsi » est
on ne peut plus clair.
Imaginons un instant la puissance extraordinaire d’une force militaire
réunissant l’Egypte, Israël, l’Arabie Saoudite et les EAU, avec pour mission
d’anéantir Daesh. Imaginons les chars égyptiens et Tsahal côte à côte, appuyés
par l’aviation de l’Arabie Saoudite et celle de l’EAU. Nous ne donnons pas plus
de deux mois de vie à Daesh avant sa destruction complète. Si les Russes leur
prêtaient main forte, c’est en un mois au maximum que l’affaire serait réglée.
Une telle alliance ne représenterait pas seulement une force militaire
considérable. Elle serait capable de mener des opérations préalables
d’infiltration, coupant court aux critiques adressées à une intervention au
sol. Il faut susciter une inquiétude constante à l’intérieur de Daesh, les
démembrer et les déstabiliser en leur faisant craindre constamment des
trahisons en leur sein.
Un peu après la seconde guerre mondiale, le maréchal Joukov liquida la
redoutable pègre d’Odessa, la « bande du chat noir », composée d’anciens
collaborateurs nazis qui semaient la terreur dans la ville. Une stratégie
d’infiltration systématique lui permettait de remonter les filières, puis
lorsque des rassemblements de la pègre avaient été repérés et prévus, des
opérations coup de poing les liquidaient le jour même, sans autre forme de
procès. Cette technique russe des « opérations en profondeur » doit
être appliquée à Daesh, l’infiltration ne pouvant être menée à bien que par des
pays arabes.
La portée symbolique d’une telle opération serait incommensurable.
Pour le monde musulman en premier lieu, accusé non sans quelque raison de
complaisance ou de passivité complice vis-à-vis de Daesh, l’occasion serait
donnée de sortir de l’ambiguïté, pour un Islam arrivé à présent à la croisée
des chemins et qui joue aujourd’hui sa survie morale. Les voix des dignitaires
musulmans appelant sans détour à une action combattante contre Daesh sont
encore trop rares. Après une telle action, l’image de l’Islam et des musulmans
en Europe serait toute autre. Ils montreraient qu’ils ne tolèrent pas que l’on
dénature leur religion aux yeux du monde, cette fois en sortant des justifications
sirupeuses pour leur préférer la voie du courage.
Israël également, et l’ensemble des communautés juives dans le monde,
bénéficieraient de retombées très positives d’une telle action. Imaginons
l’impact qu’auraient les images de combattants arabes musulmans et de soldats
de Tsahal réunis en frères d’armes. Imaginons le grand combattant Al-Sissi -
que tous disent pieux musulman - devenu grand allié d’Israël et allant avec lui
au combat ? Les jeunes musulmans français seraient durablement impressionnés
par un tel exemple, qui les changerait d’une propagande pro-palestinienne les
entretenant indéfiniment dans l’aigreur et l’échec social.
La Russie enfin, verrait s’ouvrir la possibilité d’intervenir au Proche et
Moyen Orient, ce qu’elle s’abstient de faire pleinement par crainte de la
réaction américaine. Adoubée par les trois puissances arabes et par Israël,
elle se verrait investie d’une légitimité incontestable pour prêter main forte
à l’opération. A ceux qui objecteraient que l’introduction de la Russie se
paierait d’une réinstallation de Bachar El-Assad à la tête de la Syrie, il faut
rappeler que les Russes n’ont jamais soutenu Bachar El-Assad que dans un
scénario de pouvoir temporaire, appelant une transition.
Nous tenons la possibilité historique d’une éradication totale de Daesh,
d’un traitement véritablement digne des réfugiés, suivant la voie du courage et
de l’honneur. Il ne s’agit plus des pansements que les bien-pensants de l’union
européenne appliquent prétendument pour soulager les souffrances des réfugiés, en
réalité pour atténuer la douleur de leur propre lâcheté et de leur conscience
perdue.
La France s’honorerait à participer à la mise en place d’une telle force
d’action. Le chemin est difficile et n’est pas dans l’air du temps, car il faut
savoir être à la fois humble et courageux, les qualités du gentleman qui sont à
l’opposé de nos mœurs politiques modernes. Je n’attends rien du Président de la
république pour contribuer à une telle action, mais s’il se décide à y
travailler, qu’il le fasse non pour lui, mais pour la vieille femme qui berce
l’enfant et tente avec un courage infini de le rassurer.
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