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samedi 16 avril 2016

Kaze no Shō - Le livre du vent, ou l'esprit de sacrifice


Quel est le concept le plus scandaleux ? Le parfait contre-courant du discours « moderne », vous reléguant au sein des plus réactionnaires, dérangeant le confort douillet du camp du bien, choquant au point d’être incompréhensible pour l’ « homonculus economicus » (le véritable nom que celui-ci mérite).

Les discours de haine ou ceux se voulant « anti-système » n’ont absolument rien de subversif : ils sont d’excellents idiots utiles et ne font que renforcer par contraste la vulgate post-moderne dans ses convictions, dans sa suffisance tranquille de détenir la vérité absolue. Ces discours font d’ailleurs partie intégrante du post-modernisme. Ils suivent son paradigme commun de vouloir faire parler de soi à tout prix, de « créer le buzz », de s’adonner au goût du spectaculaire, des pensées faciles et rapides.

La notion la plus subversive,  placée de surcroit au fin fond de la ringardise, défaut de nos jours beaucoup plus grave que la faute morale, est le sacrifice. Se sacrifier, parfois jusqu’à donner sa vie, pour les valeurs que l’on veut défendre.

Un concert d’huées se fait déjà entendre, surtout dans le contexte qui est le nôtre. Car des moins-que-rien n’hésitent pas à faire ce sacrifice répété pour leur « cause », un intégrisme religieux qu’ils veulent imposer coûte que coûte par la terreur.


La preuve est donc donnée, dans laquelle s’engouffre le discours néo-libéral : tout sacrifice est mauvais, et représente en toute situation un abus inacceptable de la communauté sur l’individu, une demande de se dessaisir de soi et de remettre sa vie pour le bien collectif, exigence exorbitante et totalitaire.

Il s’ensuit la litanie de la recherche du profit individuel comme seul bien et seule valeur, la glorification de la rapacité et de l’égoïsme, la mise à bas de tout effort collectif compris comme une emprise totalitaire insupportable.

Les « sacrifices » terroristes sont ainsi l’alibi utile permettant de barrer la réflexion, de réduire le discours à des catégories simplistes, d’explorer une notion pourtant bien plus profonde qu’il n’y paraît.

Car que faut-il penser du sacrifice des légionnaires de Camerone ? Des défenseurs de Leningrad jurant que la ville ne serait jamais soumise aux nazis ? De Léonidas aux Thermopyles qui agissait pour l’ensemble du monde Grec et lançait ce message fort de n’accepter jamais l’asservissement ? Et par la suite du devoir de tout citoyen Grec de se convertir en hoplite pour défendre sa cité et la liberté de tous ? De Jan Patocka ne cédant pas un pouce de sa liberté de parole, au prix de sa vie ? Ce dernier écrivit « liberté et sacrifice », restituant le sens véritable aux mots et dévoilant les conditions amères mais justes de préservation de l’indépendance d’un homme.


Le sacrifice nous renvoie ce message extraordinairement dérangeant que le sens ultime de la liberté d’un homme a quelque chose à voir avec la mort. Que la liberté et la dignité méritent d’être défendues coûte que coûte, jusqu’à en payer le prix ultime.

Le post-modernisme néo-libéral se voile la face à l’idée de la mort, en fait un sujet tabou qui participe à la perte de sens généralisée dans laquelle il dérive. C’est ce qui explique le succès qu’eût l’excellente série « Six feet under », mettant en scène l’hypocrisie généralisée de la société américaine et ses mille et une façons d’éluder le sujet. Les épisodes montrent jusqu’à quels niveaux de bassesse une société parvient lorsqu’elle ne raisonne plus qu’en termes de succès ou d’échec et non de valeur.

Le sacrifice affirme avec la plus grande force le renversement de ceci. Il pose par un acte volontaire la suprématie de valeurs imprescriptibles, indépendantes de tout calcul, de tout résultat, de toute notion de réussite. Il est ainsi l’inverse absolu du paradigme néo-libéral, le refus du fait que tout puisse se négocier, à commencer par la dignité d’un homme. « Si tu peux rencontrer triomphe après défaite et recevoir ces deux menteurs d'un même front » nous disait Kipling.

Le sacrifice est cette attitude outrageusement provocante face à ceux qui veulent nous tenir dans leurs petits chantages, dans leurs sournoises pressions, leur montrant que nous pouvons à tout moment sortir de leurs jeux pervers. En cela, le néo-libéralisme est totalement incapable de penser la belle notion de liberté. Il nous conduit à un modèle d’homme asservi, jouet de toutes les bassesses et de toutes les compromissions, jusqu’à la capitulation de sa dignité, si les pressions de ceux qui veulent le dominer passent un certain seuil. Le sacrifice est l’affirmation qu’une valeur n’est pas dépendante d’un seuil, ne se négocie pas, et donne pour preuve qu’il est prêt à y laisser la vie plutôt que de céder.


La « morale » dévoyée d’Ayn Rand ne peut voir ceci. L’homme mu par son seul intérêt égoïste n’a rien de libre, car il vivra en permanence dans la crainte – précisément – qu’on lui retire ses intérêts. Le monde de la grande entreprise façonne des hommes qui n’ont rien d’indépendant, mais des personnalités obséquieuses, fuyantes, à la fois colériques comme un enfant mal grandi et craintives, en permanence sous la terreur de la perte de leurs avoirs.

Penser véritablement la liberté nécessite de faire sien un étonnant paradoxe : l’anéantissement du soi peut - dans des circonstances critiques - être l’affirmation de soi. La « liberté » de l’intérêt égoïste n’est que la servilité du courtisan, dépendant des intrigues humaines, suspendu à leur prévisible bassesse. Pousser la conscience de la liberté humaine jusqu’au bout nécessite d’atteindre une forme de mépris de la mort.


Le néo-libéralisme n’est ainsi nullement une école de la liberté et de l’indépendance mais une école de la lâcheté. Et partant, une école de la servitude, car toute liberté véritable requiert le courage comme première condition, et le courage de défendre son intégrité jusqu’à la mort s’il le faut.

La lâcheté de nos sociétés modernes est double, car non content de se plier à toutes les bassesses pour la course à ses intérêts, l’homme néo-libéral envoie d’autres affronter l’épreuve du feu. Il faut être un esprit simpliste pour penser que la concurrence généralisée forge des hommes courageux et aguerris, car la meilleure stratégie dans cette situation sera de se défausser en permanence, de « surfer » sur toute tendance sans jamais prendre le risque de l’engagement, de récupérer enfin après la bataille le fruit de l’engagement des autres en faisant mine de l’avoir toujours défendu.

L’homonculus economicus est un être veule, fuyant, spécialiste de la défausse, champion des apparences, des dehors souriants, des changements de discours opportunistes récupérant l’engagement des hommes de fond. De tels petits hommes ont toujours existé de tous temps, notre époque est en revanche l’une des seules à leur avoir ouvert les portes du pouvoir, à être structurée et organisée à leur avantage. Le néo-libéralisme est une fois encore une trahison du premier libéralisme politique, en ceci qu’il asservit l’homme à l’une des pires formes d’arbitraire, celle de l’argent et des positions sociales devenues étrangères à tout mérite. L’homme néo-libéral pliera et se couchera au moment de défendre sa liberté véritable, parce que celle-ci n’a – précisément – rien à voir avec l’intérêt.


La liberté ne se conquiert que par deux voies : la connaissance et l’absence de crainte de la mort. C’est en ceci que le métier des sciences et le métier des armes sont les deux derniers refuges du sens et de la noblesse dans notre société moderne, que leur pratique demeure la seule véritable subversion.

Mais quid des djihadistes dans ce cas, et du versant noir du sacrifice, de la version dévoyée du mépris de la mort ? Il ne faut pourtant pas chercher bien loin pour savoir ce qui lui retire toute prétention à la noblesse. Et cet élément est l’avidité. Les « sacrifices » des djihadistes sont effectués dans un but de conquête, de prise de possession, de guerre de territoire. Les islamistes se présentent comme matériellement désintéressés – ce qui est déjà totalement mensonger eu égard à l’hypocrisie et à la dépravation de leurs dirigeants – mais poursuivent de toutes façons une logique de possession morale, une avidité sur les êtres bien pire d’ailleurs que l’avidité matérielle.

Le sacrifice noble abandonne tout esprit de possession et n’est accompli uniquement que dans un but de défense. Défense de sa liberté et de sa propre intégrité morale, ou défense de l’intégrité d’autres personnes, parce que même s’ils sont autres, l’offense à leur dignité d’homme nous fait dire que cela ne doit pas être et cela ne sera jamais, dussions-nous en mourir. L’éthique du sacrifice est simple, les arts martiaux nous en montrant le chemin : seule la défense est un but légitime de la confrontation à la mort, et la défense de valeurs imprescriptibles.


Islamistes et arrivistes néo-libéraux se ressemblent comme deux gouttes d’eau sur un point majeur : ils sont les hordes de l’avidité, les deux formes de la barbarie déferlante, qu’il revient aux hommes d’honneur de repousser.

Islamistes et néo-libéraux sont tous deux des pervers narcissiques. Ils jouissent d’asservir l’autre et se nourrissent de ce plaisir. Ils préfèrent d’ailleurs humilier avant de tuer. Ils ne conçoivent leur liberté que dans la privation de celle des autres, dans la jouissance perverse de les voir asservis.

Ils ressentent également une forme de souffrance pathologique à voir le bonheur des autres. Il ne leur suffit pas eux-mêmes d’atteindre la félicité, il faut que les autres soient abaissés et détruits pour qu’ils puissent en jouir. Une étude psychologique des traders en bourse avait ainsi montré que posséder une belle voiture ne leur suffisait pas : si d’autres en possédaient une, même moins belle d’ailleurs mais qu’ils en étaient heureux, ils en ressentaient une souffrance insupportable. Leur satisfaction ne pouvait être complète que lorsqu’ils auraient détruit les autres voitures au maillet, pouvant jouir non seulement de leur possession mais surtout du spectacle de l’écrasement des autres. Cliniquement, de telles personnes sont bien évidemment des psychopathes profonds. Ce sont pourtant de tels hommes qui tiennent les leviers du pouvoir politique et économique de nos sociétés modernes.


Les rapports au sein du monde de l’entreprise suivent fréquemment ce schéma. L’on voit ainsi des directeurs de haut niveau possédant un énorme pouvoir et des possessions matérielles considérables, jalouser maladivement des personnes simples, situées pourtant à plusieurs niveaux hiérarchiques en dessous d’eux, ne possédant qu’un quand eux possèdent mille.

Mais ce peu est encore trop pour eux, si l’homme qui le possède manifeste un bonheur simple de ce qu’il a. Ils ne seront satisfaits que lorsqu’ils verront l’homme simple humilié et détruit, lui ayant retiré le peu qu’il possède. Ils souffriront d’ailleurs d’une authentique douleur tant que ce ne sera pas le cas, allant jusqu’à accuser l’homme simple d’une ambition trop forte bien que la dissymétrie de leur propre position soit outrageusement ridicule : leur narcissisme immense est blessé à la moindre occasion.

Comment de telles pathologies mentales deviennent-elles possibles ? La clé d’explication réside dans la légitimité, l’authenticité des choses. Le peu que possède l’homme simple a été acquis au prix d’efforts mérités et véritables. Les pléthores du dirigeant pathologique n’ont été extorquées que par la triche, la récupération du travail d’autrui, l’opportunisme du manipulateur. Il le sait au plus profond de lui-même, les mille qu’il possède ne traduisent aucune valeur personnelle, ils sont une richesse d’usurpateur, un trésor d’imposteur.

La joie simple et tranquille de l’homme méritant, même s’il possède bien moins que lui, lui rappelle sans cesse son propre néant personnel. Dès lors, la « common decency » des êtres authentiques lui sera insupportable et blessera mortellement son narcissisme. Il n’aura alors de cesse que de piller les maigres avoirs restants, en voulant au passage détruire et humilier l’homme à la joie simple, pour atteindre une jouissance qui restera pourtant toujours insatisfaite. Il perdra tout contrôle et toute dignité pour atteindre ce but, comme un enfant capricieux, étant prêt à se rouler par terre pour déposséder encore un peu plus ceux qui ont déjà peu. Ils n’auront par ailleurs aucun courage pour opérer ce vol, n’employant que les manœuvres cachées, les intrigues de couloir, la courtisanerie, le dénigrement. Le monde moderne est ainsi organisé et fait pour de tels hommes. L’appétit sans limite, le pillage organisé de ceux qui ont déjà peu au profit de mégalomanes boursoufflés et sans valeur est devenu le spectacle commun de notre monde, en y ajoutant le ridicule d’appeler cela une société de libertés.


La civilisation est menacée par ces hordes de l’avidité, de la destruction et du pillage d’autrui. A ce titre, rien n’est plus ressemblant dans le déferlement anarchique et la soif inextinguible de pouvoir que la puissance lourde et malsaine des néo-libéraux et de Daesh. Seule la discipline et la maîtrise des hommes d’honneur, prêts au sacrifice suprême, les repoussera et les renverra à ce qu’ils sont : des porcs décadents, incapables de maîtrise d’eux-mêmes, des dépravés ivres de puissance mais dépourvus de la moindre force intérieure.

Il ne faut pas s’imaginer que l’islamisme sera repoussé en brandissant nos valeurs seulement par le verbe. Il sera repoussé en lui montrant que notre détermination à mourir pour nos valeurs est aussi forte que la leur, et que par surcroît, parce qu’elle n’est pas pervertie par le souffle de l’avidité, elle les vaincra et les écrasera.


Le post-modernisme aime à s’enfoncer dans un discours doucereux et simpliste, fait du mélange si caractéristique de la candeur et du cynisme, candeur pour ceux qui seront assez bêtes pour y croire, cynisme pour ceux qui en mimeront tous les dehors extérieurs sans y croire une seule seconde.

Ainsi entendons-nous à l’encontre de la barbarie islamiste l’opposition niaise entre ceux qui défendent les « valeurs de la vie » contre la « valorisation de la mort », des gentils contre les méchants. Un tel discours abolit toute réflexion sur l’usage légitime ou illégitime de la violence. Il se voile la face sur le rapport entre affrontement de la mort et liberté, tabou de nos sociétés de l’évitement, de la fuite, de la mise à distance. L’emploi des forces armées dans la société néo-libérale est révélateur : le sacrifice de soi pour préserver la liberté de l’ensemble de la société étant considéré comme une exigence inadmissible vis-à-vis de ma « liberté » assimilée à mon intérêt égoïste, ce sacrifice est lâchement sous-traité. L’on envoie l’autre au feu à sa place, et l’on considère tout à la fois les forces armées comme des mercenaires à qui l’on fait faire le sale travail, dont on exige l’entorse que l’on juge inadmissible à notre petit individualisme, tout en ne voulant pas voir la noblesse qu’implique un tel sacrifice.

Outre l’évacuation de cette tension entre usage de la force et préservation de la liberté, l’on efface également toute réflexion sur l’équilibre entre sens collectif et liberté individuelle pour préserver la liberté en tant que telle. Il ne vient pas à l’idée d’un néo-libéral que tous peuvent se regrouper pour défendre la liberté d’un seul si celle-ci est menacée, et que cette cohésion est garante de la liberté complète d’un individu.


Lors des récents attentats, l’abnégation et le sens du sacrifice de nos forces de police et de gendarmerie sont revenus frapper le visage veule de nos sociétés néo-libérales qui n’assument plus les conditions de la liberté véritable. Le retour du sens est violent, lorsque l’on a passé son temps à s’y dérober et à fuir, à se complaire dans l’auto-satisfaction des bons sentiments, à faire faire à d’autres ce que l’on considérait comme une insupportable entorse à sa liberté égoïste.

L’on se rend brutalement compte que les hommes que l’on considère ainsi comme moindres parce qu’on leur délègue le sacrifice, sont ceux qui affirment au contraire la liberté des hommes véritables. Comme le disait Michel de Saint-Pierre, servir est une vertu aristocratique : cette phrase n’est pas même scandaleuse pour un néo-libéral, elle est tout simplement incompréhensible, inaccessible à son pauvre entendement.


Le thème du vent est toujours associé à la notion de sacrifice, et à la proximité que celui-ci entretient avec la liberté. Dans « Les sept mercenaires », adaptation au grand ouest des « Sept samouraïs » de Kurosawa, le vieux du village remercie les mercenaires survivants en les comparant au vent, qui balaie les sauterelles, libère les paysans, et repart au loin. Dans les deux films, les sept font le sacrifice de leur vie pas même pour leur propre liberté, mais pour celle du village des paysans, simplement pour affirmer que face à la servitude des pillards ceci ne sera pas, ceci ne doit pas être. Et par ce sacrifice pour la seule liberté des autres, ils affirment ultimement leur liberté d’homme, leur libre arbitre absolu de refuser la loi des pillards, pour l’honneur, pour l’exemple, pour la beauté du geste, notions inconcevables pour l’égoïsme étroit d’une Ayn Rand.

La thématique du vent est bien évidemment présente dans les Kami Kaze, littéralement « vent divin » ou « vent des esprits », ces Kamis japonais présents en toute chose et dont la notion est difficilement traduisible. L’on pourra objecter que les kamikaze de la fin de la deuxième guerre mondiale étaient des jeunes gens fanatisés et conditionnés. Au-delà de ce qu’était la réalité du Japon militariste de cette période – qu’il ne faut pas nier et qui était contraire au véritable esprit des samouraïs de l’ère Edo – je maintiens que le sacrifice de ces jeunes pilotes avait quelque chose de beau, que le geste ultime qu’ils accomplissaient n’était pas que le produit d’un conditionnement mais un acte libre visant à sauvegarder coûte que coûte leur honneur et leur indépendance.

L’on peut de même voir dans le sacrifice des 300 spartiates un acte ultime de liberté, sans entretenir d’illusion sur la réalité de l’antique Sparte qui était une société totalitaire. Le sacrifice à l’encontre de ceux qui jouissent d’imposer la servitude est ainsi un thème qui peut surgir à tout moment, même dans des sociétés qui n’ont rien de libre, pour affirmer l’essence de la liberté humaine, son lien non contradictoire avec la solidarité. Je dénie tout droit aux djihadistes – pour cette raison – de porter le beau nom de kamikaze, réservé à des guerriers d’honneur, non à des tueurs d’enfants.


Enfin, le thème du sacrifice et de l’acte libre est sans doute traité de la plus belle des façons dans le « Kaze no Shō », le livre du vent, magnifique manga de Taniguchi et Furuyama. Ce manga traite de la lutte de pouvoir entre le shogunat et des partisans de l’Empereur, car le Japon vivait ce moment crucial de son histoire où le pouvoir impérial devait être relégué à des fonctions honorifiques, contre l’exercice du shogunat.

Comme dans beaucoup de mangas japonais, il n’y a pas de camp des bons ou des mauvais, seulement des forces qui s’affrontent : nous ne sommes pas chez Disney ou à Hollywood. Les notions morales sont plutôt incarnées par les personnages individuels, dans leur état d’esprit et dans leurs actes.

Ainsi le « Kaze no Shō » oppose-t-il le légendaire samouraï Yagyû Jûbei qui défend le shogunat à Yashamaro, partisan de l’Empereur. Tous deux grands guerriers, fins samouraïs, courageux et hommes d’honneur, l’affrontement n’a rien de manichéen. L’on sent seulement percer une impatience chez Yashamaro, un brin d’avidité et de goût du sang, tandis que Jûbei essaie de limiter les dégâts humains. Les termes de l’éthique du sacrifice sont ainsi posés.

Lors de leur affrontement final, Jûbei emploie une technique qu’il a mis des années à mettre au point, représentant le summum de son art : il se place dos-à-dos à son adversaire, et suit ses mouvements de façon circulaire. Cet art lui permet de neutraliser Yashamaro sans le tuer : Jûbei cherche à épargner les vies humaines sans se départir d’un grand courage et d’un risque important d’être tué. Il veut convaincre Yashamaro de cesser le combat. Celui-ci, furieux de se voir ainsi neutralisé emploie un ultime expédient, après avoir essayé toutes les formes d’attaque : Il s’éventre lui-même largement, en un geste de seppuku, et transperce du même coup Jûbei dans le prolongement de son sabre, le dos de son adversaire étant accolé au sien. La lame de Yashamaro ressort de l’abdomen de Jûbei, les deux hommes étant reliés malgré leur opposition en étant tous deux éventrés par la même lame. Jûbei a le temps de dire à Yashamaro « pourquoi fallait-il aller jusque-là ? ».

Première leçon : il n’y a aucune idéalisation du combat ou de morale manichéenne. Nous ne sommes pas à Hollywood : Jûbei meurt avec Yashamaro, il n’y a pas de happy end et il serait simpliste de présenter leur lutte comme celle du bien contre le mal, bien que leurs deux caractères nous questionnent sur l’éthique du combat. Il faut également être dans un esprit de détermination à mourir lorsque l’on combat pour des valeurs auxquelles l’on croit.

Deuxième leçon : Jûbei finit par vaincre, mais d’une singulière façon. Il parvient à rester en vie seulement quelques minutes de plus que Yashamaro, et à s’extraire du sabre. Dans le peu de temps qui lui reste à vivre, il voit son jeune frère accourir vers lui. Il lui remet alors le « Kaze no Shō », le livre du vent, dans lequel il a codifié tout son art du sabre, jusqu’à sa technique de neutralisation. La victoire de Jûbei réside donc dans les quelques minutes pendant lesquelles il a pu tenir, pour accomplir un ultime geste : la transmission à la jeune génération. Le sacrifice pour que la descendance puisse vivre, héritant de sa connaissance.

La victoire n’a rien de triomphal, elle n’est due qu’à une différence infime, mais lui permettant ce dernier acte décisif. La thématique de l’autre légendaire samouraï est ainsi amenée, celle de Miyamoto Musashi, qui indiquait dans le « Go Rin no Shō », le traité des cinq roues, que ce qui différenciait la victoire de la défaite dans un duel au sabre tenait à des différences à peine perceptibles. Dans le traité de Musashi, le dernier élément, le plus abouti, est celui du quatrième chapitre, celui du vent. Il débouche sur le cinquième et dernier : le chapitre du vide, thème qui n’a rien de péjoratif dans la culture asiatique, mais qui représente l’équivalent de notre libre arbitre. Le sacrifice, la solidarité entre générations, enfin la liberté humaine sont éternellement unis, tout comme les corps de Yashamaro et Jûbei reliés par l’unique lame des braves.


Sacrifice, solidarité, liberté, connaissance. Quatre thématiques indissociables. Puissions-nous à notre tour rouvrir le « Kaze no Shō », y retrouver l’inspiration et le sens, goûter à son amer enseignement qu’il faut être prêt au sacrifice suprême pour balayer ceux qui jouissent d’asservir les autres, islamistes comme manipulateurs néo-libéraux, les premiers n’étant que l’incarnation de l’inconscient inavoué des seconds, unis dans une même structure mentale de prédation et d’ultra-violence.


Le futur passera par une épopée militaire et scientifique, l’alliance du courage et de la connaissance dans le but de la transmission. L’imposture du néo-libéralisme qui a prostitué et travesti le beau thème de la liberté humaine doit être combattue, et le véritable sens de la liberté rétabli, en retrouvant l’esprit du sacrifice. Contre les barbaries modernes, la ballade des guerriers libres doit renaître, portée par le souffle du vent.


2 commentaires:

  1. Aucune idée ne mérite que l'on se "sacrifie" pour elle.

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    1. je suis un illettré on peut donc jugé mon opinion comme peut fiable . je dirais au contraire qu'il existe des centaine de principe pour les quels mourir " le droit pour chaque enfant d'avoir droit a un avenir indépendamment de son origine , le droit des plus faible de pas se faire écrasé , les liberté ect .

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