Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Le croyant ne tue que pour sa seule défense immédiate, si sa vie est
directement menacée ou s’il voit commettre un crime devant lui.
Que celui qui ne respecte pas cet ordre de Dieu soit voué aux enfers. Le
feu de la Géhenne le consumera, sous le regard de Dieu qui y veillera.
Celui qui enfreint cet ordre et le fait au nom de Dieu commet le pire des
crimes. Sa duplicité, son hypocrisie le vouent à Satan. Le châtiment qu’il
vivra sera inexprimable, l’enfer qu’il connaîtra fera passer l’enfer qu’il
croit connaitre pour un paradis.
De faux croyants tuent des innocents au nom d’Allah, commettent des crimes en
Son nom, dans le temps qui est le vôtre.
Il est à présent un devoir sacré et inaliénable, pour tout croyant, de
combattre et abattre ces faux croyants, implacablement. Ceci est le sixième
pilier de la foi, comme les plus grandes mosquées comportent six minarets :
abattre sans merci ceux qui commettent des crimes en se réclamant d’Allah,
abomination des abominations, parjure des parjures, hypocrisie des esprits les
plus vils.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Traitez vos sœurs comme vos égales, en tous points. Otez leur ce voile
ridicule, ou pire ces accoutrements qui les dissimulent.
De quoi avez-vous peur ? Trouvez un passage, un seul, de ce Coran, qui
soit une obligation absolue de voiler vos sœurs.
N’invoquez pas la sourate de la Lumière pour de fausses raisons : faut-il
vous rappeler qu’elle appelle à la pudeur aussi bien les hommes que les femmes,
dans leur attitude bien plus que dans leur vêtement ?
O croyants, comprenez le mouvement que Dieu imprime à travers ce Coran. Ne
voyez-vous pas qu’au temps de Médine, ce qui fut écrit était un progrès
considérable pour vos sœurs. La volonté de Dieu est dans ce mouvement, non dans
ce qui est possible à chaque temps. Le temps de Médine n’est plus : dans
le temps qui est le vôtre, accomplissez la volonté de Dieu, faites de vos sœurs
vos égales.
O vous qui croyez, ne soyez pas de ceux qui ne savent lire ni écouter. Si
ce Coran est tout autant loi dure qu’il est poème, ce n’est pas par accident.
Son rythme est à comprendre, son mouvement est à suivre, à psalmodier,
traversant les époques et les temps, sans s’attacher aux limites de l’un d’entre
eux. Comprenez-le et comprenez le sens de la volonté d’Allah.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Certains prétendent revenir au vrai sens de ce Coran, à sa signification
authentique. Ils se drapent de pureté, se posent en véridiques.
Qui êtes-vous pour prétendre capter le sens véritable de ce Coran ? Vous
est-il venu à l’esprit la chose suivante : ce Coran renferme d’innombrables
significations, dans chacune de ses sourates, dans chacun de ses versets.
O vous qui croyez, avez-vous pensé que si le Coran renferme d’innombrables
significations, c’est là la manifestation de toute sa puissance, non un signe
de faiblesse ?
De quoi avez-vous peur ? Le labyrinthe des différents sens est la
manifestation de la puissance d’Allah, qui investit toutes les dimensions de l’univers.
Explorer ses différentes significations, c’est rendre hommage à Sa puissance.
Une signification unique fait penser que l’univers n’a qu’une seule dimension : est-ce ainsi que vous
honorez la puissance d’Allah, en le pensant capable d’une genèse aussi étroite ?
Pensez-vous que l’araignée soit révérée par hasard par les croyants ?
Comme sa toile, ce Coran est circulaire, s’étendant selon d’innombrables axes,
formant pourtant une unité. Mais la toile de l’araignée doit s’explorer en tous
sens, précisément pour en comprendre l’unité.
Ceux qui se ferment à l’exercice rigoureux et difficile de l’interprétation
croient retrouver la pureté de la foi, ils ne trouvent en vérité qu’un amour délirant
de leur seule personne.
Il est différent de prétendre dire la seule vérité d’une chose immense, ou
de reconnaître que parce qu’elle est immense elle dépasse tous les croyants,
qui doivent avoir l’humilité de n’en parcourir qu’une partie, comme modeste
contribution.
Celui qui prétend dire la seule vérité de ce qu’il admire ne l’admire plus
en réalité, mais n’admire plus que lui-même. Celui qui admire vraiment admet
que quiconque sera petit par rapport à ce qui est majestueux, à commencer par
lui-même.
Reprenez-la voie
de vos premiers ancêtres, ceux qui pratiquaient l’Ijtihâd. Observez d’ailleurs combien à cette époque où l’Itjihâd
était admis, vos ancêtres étaient les premiers parmi les hommes, éclairaient en
têtes les autres hommes par les sciences et par les arts.
Regardez comment,
lorsque certains ont dit vous ramener à la « vrai foi » et ont
prétendu la détenir, les croyants ont cessé de rayonner et ne sont allés que de
dégradation en dégradation. Posez-vous cette question.
La seule pureté qui soit est celle de l’humilité de celui qui pratique l’Itjihâd,
parce qu’il ne se vante pas, qu’il ne croit pas être le seul véridique, qu’il
se contente de servir modestement ce qu’il admire, en admettant être encore
ignorant. L’Itjihâd requiert la vraie discipline sur soi, la véritable rigueur,
celle de l’exploration patiente nécessitant une vigilance constante à tous les
pièges des multiples sens qui peuvent s’ouvrir.
Que nul rapace ne s’approche de ce Coran ! Il n’y a pas de pire
abomination que ceux qui s’en prétendent les purs et les serviteurs, mais ne
cherchent qu’à se l’accaparer, s’en dire les détenteurs. Leur seul mystère
caché est celui de leur avidité et de leur vanité infinie. Ils sont promis à la
Géhenne par Allah !
Servir véritablement, c’est accepter de disparaître, c’est se résoudre à n’être
qu’un simple instrument des innombrables significations qu’Allah exprime dans
toute Sa puissance, dont nous ne posséderons jamais complètement la clé.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
O croyants, êtes-vous aussi myopes pour ne pas comprendre ? Ne
savez-vous distinguer l’esprit de la lettre, le mouvement d’ensemble de l’action
immédiate, la tendance de fond de l’événement ?
Oui ce Coran appelle à la guerre. Oui, nombreuses sont les sourates qui le
font : ce Coran appelle au combat, il n’est pas de paix, il est de lutte.
Mais quand pratiquerez-vous le Jihad an-nafs ? Quand
entreprendrez-vous le véritable grand Jihad, celui contre vos propres
instincts, vos propres défauts, sans excuse et sans gémissement ? Ne
voyez-vous pas qu’au temps de Médine, les batailles terrestres n’étaient que
celles d’une époque, parce qu’il en allait alors de la survie ?
Etes-vous à ce point aveugle pour ne pas comprendre que la répétition n’est
pas la fidélité mais la trahison, si vous ne savez comprendre le pourquoi des
actes du Coran, la raison derrière chaque action des croyants ?
La foi de ce Coran est bien distincte en cela de la foi des autres livres.
La foi de ce Coran est bien la foi du guerrier, il ne faut pas le nier. Mais
dans votre temps, plus dans le temps de Médine, vous savez maintenant comment
la foi du guerrier peut être foi pacifique. Dans ces lieux que l’on appelle dojos,
d’autres hommes venus de lointains horizons sont venus vous enseigner ce qu’était
le Jihad an-nafs.
Est-ce un hasard si l’on retrouve tant de croyants en Allah dans les dojos ?
Observez que ces croyants tombent bien moins souvent dans le piège des faux
purs, des vertueux hypocrites. Voyez comment le Jihad an-nafs les forge, les
défend comme un bouclier, les fait retrouver le chemin de la droiture.
Où sont ces fiers guerriers de la foi, tant croisés dans les dojos ? Il
paraît que les croyants n’osent plus s’exprimer parce que ces faux purs les intimident,
les menacent. Montrez-leur donc qui sont les patrons ! Cassez-leur la
figure ! Fiers guerriers d’Allah tant croisés sous des kimonos, où
êtes-vous ? Ces faux durs ne tiendraient pas une minute contre vous !
Faites leur ravaler leur imposture ! Montrez leur quels hommes vous êtes !
Formez des brigades contre ceux qui piétinent et défigurent votre foi et matez
les ! Montrez comment le Jihad an-nafs, forgé dans la fraternité du
kimono, érige ces guerriers tranquilles dont le monde a besoin.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Défaites-vous de tout pouvoir temporel, lorsque vous vous référez à ce
Coran. Où avez-vous pris qu’il fallait en faire un texte de loi à l’usage de
toutes les actions des hommes ? Comment un poème et une révélation
peuvent-ils être un livre de juriste ? Que ce Coran inspire vos sentiments
de justice et vous soit présent à l’esprit lorsque vous rédigez vos lois. Mais
qu’il ne soit pas lui-même un texte de loi.
Renoncez au pouvoir temporel lorsque vous invoquez Allah. Voyez comment vos
frères chrétiens sont tombés dans les mêmes ornières que vous quelques siècles
auparavant, tant qu’ils n’ont pas su se défaire de l’avidité du pouvoir
temporel. Voyez combien leur religion était violente, intolérante, inquisitrice,
tant que son rapport au pouvoir n’était pas clarifié.
Défaites-vous une bonne fois pour toutes de ces « Hadith », par
respect pour ce Coran. Qui vous a autorisés à entretenir un tel fatras de
témoignage douteux, dont certains sont d’ailleurs abominables et contraires à
tout ce que le Coran enseigne ?
Que le sentier de la foi inspire chacune de vos actions, mais résistez à la
tentation de le mêler au jeu du pouvoir des hommes. N’en faites ni un texte de
loi, ni un projet politique, mais une source unique inspirant et forgeant des
hommes de bien.
Lorsqu’il est question de l’Islam,
beaucoup – y compris parmi des amis proches – soutiennent la thèse que l’Islam
est intrinsèquement mauvais et irrécupérable. Qu’il est perverti à sa source,
de par la personnalité de son prophète, accusé de brigandage, d’exécution de
massacres épouvantables, voire de pédophilie. Ceci appuyé sur différents
passages du Coran ou des Hadiths, parmi les plus guerriers.
En tant que chrétien, je
suis désolé de dire que ces arguments me laissent froid. Au risque de choquer
très profondément mes amis, de toutes religions confondues, je soutiens une
vision séparant totalement la réalité historique d’une religion de sa réalité
spirituelle.
Il a après tout été prétendu
que le Christ avait eu des enfants et connu le commerce charnel avec une femme,
ou encore que Moïse n’était pas un seul mais deux hommes, recomposé en un seul
personnage par les textes (cf « Moïse et le monothéisme » de Freud).
Nous ne saurons de toute
façon jamais rien de la vérité historique des fondateurs des religions. La vérité d’une religion n’est ni
historique ni scientifique, elle est phénoménologique. Elle crée sa
réalité, et est ce que l’on en fait et ce qu’elle parvient à inspirer aux
hommes. La question de savoir si la foi qu’elle inspire au temps présent est
fidèle à « la vraie foi », aux « pères fondateurs », à « l’authenticité
des textes d’origine » est dénuée de signification. Seul ce qu'elle a réussi à insuffler aux hommes est la vérité de son message.
La tentation est toujours
grande de demander si la pratique présente d’une religion est fidèle à une
réalité sous-jacente représentée par le (les) prophète(s) d’origine et par les
textes fondateurs, qui constitueraient la « vrai foi ». Les
fondamentalismes procèdent toujours d’une tentative de « retour aux
sources » et à la « vérité du texte ».
Or les origines d’une
religion, textes et paroles ou actes du fondateur, ne sont elles-mêmes jamais
univoques. Elles renferment de multiples significations possibles. Le retour à
la « pureté » est au mieux une chimère d’illuminé, au pire le
paravent d’intentions beaucoup moins respectables, liées à une mégalomanie et
un appétit de pouvoir se plaçant sous l’étendard de « la vrai foi ».
La vérité d’une religion est
simplement posée et créée dans l’esprit des hommes. Elle est proche en cela de
la vérité artistique. Elle n’a pas besoin, comme en sciences ou en histoire, d’un
référent représentant la réalité concrète auquel elle devrait sans cesse se
comparer pour savoir si elle y est conforme.
Il n’y a pas en religion de « plan
sous-jacent » permettant de savoir si ce qu’elle inspire est en droite
ligne ou non de ce qu’était le père fondateur. Ce qu’elle inspire est une
réalité en soi. Parce qu’il y a eu en Islam, un Ibn Rushd, un Ibn Sina, un Al
Farabi ou un Al Kindi, l’objection consistant à dire qu’ils n’avaient rien à
voir avec Mahomet parce que ce dernier aurait été un criminel épouvantable, est
totalement caduque.
Ibn Rushd, Ibn Sina,
Al-Farabi et Al-Kindi ont existé et ont accompli ce qu’ils ont accompli :
c’est une réalité en tant que telle. Que le Coran n’ait inspiré leurs actions
que par un « malentendu », parce qu’il serait un livre « maléfique »,
est une objection dénuée de signification : le fait que le Coran ait
inspiré leur œuvre est un fait en soi, indépendant de savoir s’il s’agissait du
« vrai message » du Coran, ce qui d’ailleurs ne veut rien dire.
Le plan spirituel et le plan
historique sont ainsi totalement séparés. La vie spirituelle est animée d’une
dynamique propre. Elle se moque des recherches sur « l’apparence » et
« la réalité » d’une religion : comme nous l’enseigne le Zen, ce
que l’on juge être en surface peut s’avérer être le plan profond et ce que l’on
prétend profond n’être que superficiel : il en est ainsi de tous les
fondamentalismes.
Les œuvres artistiques ont
illustré ceci plus d’une fois, lorsque des doublures et des inventions
finissent par devenir plus réelles que leur modèles, parce que la croyance
collective crée une réalité : ainsi de l’admirable « Kagmusha »
de Kurosawa, ou « Le Général Della Rovere » de Rossellini, où de
pâles doublures se révèlent encore meilleures que les grands hommes auxquels
elles ont pu succéder, par ce qu’elles ont su inspirer aux hommes qui les
entourent.
Toutes les religions peuvent
verser dans ce travers de se considérer comme la seule « vraie foi
authentique », appuyée sur de « vrais textes » et des
personnages « historiquement fondés », les autres religions étant
quant à elles des illusions s’appuyant sur des faux en écriture ou des
personnages totalement contraires à leur légende. L’on voit ainsi sur les
réseaux sociaux des gens s’acharner à « démontrer » la « véracité »
de leur religion et la « fausseté » de celle des autres.
Cette manière de penser
signe généralement le début de la fin, et est le ferment de toutes les formes
de mépris des autres, de haines, voire d’une séparation de nature entre deux types d’humanité. Si l’Islam est de nos
jours incontestablement sur cette mauvaise pente, il faut se souvenir que son
déclin a correspondu à cette prétention du « retour à la vraie source et à
la vraie foi », et que nulle religion n’est à l’abri de cette prétention qui ne
masque que le plus dangereux des narcissismes.
La seule spiritualité qui
vaille admet que la seule chose authentique nous est incompréhensible et nous
dépasse infiniment, qu’en cela nous ne pouvons prétendre être « plus
authentique » que les autres, mais seulement nous perdre chacun à notre façon dans la contemplation
de cette beauté, commune à toute l’humanité.
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