1. David Graeber : une brillante saillie
L’économiste iconoclaste David Graeber a récemment fait deux observations provocatrices
sur notre société post-moderne. Il ne s’agit pas de provocation gratuite, car
notre monde est arrivé à un point tel d’aberration que non seulement ces deux
remarques nous questionnent mais touchent très juste. Lorsque le monde devient
étrange et aberrant, les explications qui semblent très hétérodoxes sont
parfois celles qui décrivent fidèlement la situation, et les explications dites
« normales » ne sont que la communication imposée du délire
collectif.
L’article initial qui a mis le feu aux poudres est publié dans
« strike magazine » : http://strikemag.org/bullshit-jobs/
David Graeber y fait deux observations :
- Plus le métier que l’on exerce est utile à la société, moins il est rémunéré et reconnu.
- De nouveaux métiers inutiles sont apparus : les « bullshit jobs ». Désolé pour le parler franc mais roboratif de Graeber, qui a le mérite de bien se faire comprendre, la meilleure traduction est : « jobs à la con ».
Si quelques contre-exemples viennent nuancer cette brillante saillie, il
faut lui reconnaître qu’elle est majoritairement vraie. La définition d’un
métier utile par Graeber est simple : il suffit d’imaginer notre vie de
tous les jours s’ils étaient supprimés du jour au lendemain. Il n’est pas
difficile de prévoir le résultat si les éboueurs, les ouvriers, les boulangers ou
les infirmières avaient disparu d’ici demain. D’autres métiers n’affecteraient
pas notre survie immédiate s’ils disparaissaient, mais cela deviendrait
rapidement très gênant : instituteur ou professeur, ingénieur, employé de
banque de dépôt, commerçant en meubles ou en tissus, …